À propos d'un fabuliste oublié...
- Harmonin'spiration
- 1 sept. 2022
- 3 min de lecture
Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794)

Ses fables paraissent en 1792 et quelques-unes sont recueillies après sa mort. Il puise aux mêmes sources que Jean de La Fontaine, mais s’inspire aussi de fabulistes anglais, allemands et du poète espagnol Tomás Yriarte.
Jean-Pierre Claris de Florian avait rencontré Voltaire dans sa maison de Ferney, alors qu’il était âgé d’une dizaine d’années. Son oncle, qui avait épousé la nièce du philosophe, le lui présenta. Quelques temps plus tard il rentra au service du duc de Penthièvre qu’il ne quittera plus jusqu'au décès de ce dernier, arrivé en 1792. Lui-même s’éteindra deux ans plus tard à l’âge de 39 ans.
En 1788, l’Académie Française lui ouvrit ses portes. Encouragé par Voltaire, qui lui avait fait découvrir les Fables de La Fontaine, Florian se consacra tout entier aux lettres. Auteur de nouvelles, pièces de théâtre et de fables, son œuvre, où fleurissent le bon goût et la sensibilité, ont fait dire à La Harpe que " la délicatesse et la finesse, qui n’excluent pas le naturel, distinguent et feront toujours aimer les petites comédies de Florian, et que tout l’esprit qu’on y remarque n’est qu’un composé fort heureux de bon cœur, de bon sens et de bonne humeur. "
Une grande sensibilité et une philosophie très humaniste digne d’un Jean-Jacques Rousseau l’inclinent à privilégier à travers ses Fables la morale au détriment de l’anecdote.
Ses contemporains trouvaient qu’il mettait trop de moutons dans son univers. Antoine Vincent Arnault, lui, préférait la compagnie des loups !
Il est également l’auteur du roman « Galatée » qui fit sa renommée ainsi que d’une idylle pastorale : « Estelle et Némorin ».
Ce qui fit perdurer sa célébrité est un petit poème : « Plaisir d’amour » que l’on a chanté au fil des siècles sur la musique d’un certain Jean-Paul Égide Martini (1741—1816).
Connue alors sous le nom de " Romance du chevrier ", c’est plus tard, au cours de la première moitié du dix-neuvième siècle qu’elle prit le nom de Plaisir d’amour. Son succès fut tel que Berlioz lui-même l’instrumentalisa pour petit orchestre en 1859. Devenue très populaire au fil des décennies, elle rentrait dans les cafés-concerts à la fin du dix-neuvième siècle, puis, avec l’apparition du disque était enregistrée par les plus grands interprètes du genre. De nos jours cette romance Plaisir d’amour est devenue une ambassadrice de la chanson française, fredonnée dans le monde entier.
Notre poète disait : « Mon livre est la nature
Et mon unique précepteur
C’est mon cœur ? »
Le Voyage
Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte,
Sans songer seulement à demander sa route ;
Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu’à près de midi ;
Voir sur sa tête alors s’amasser les nuages,
Dans un sable mouvant précipiter ses pas,
Courir, en essuyant orages sur orages,
Vers un but incertain où l’on n’arrive pas ;
Détrompé vers le soir, chercher une retraite,
Arriver haletant, se coucher, s’endormir :
On appelle cela naître, vivre et mourir.
La volonté de Dieu soit faite !
Tomás Yriarte

El Gusano de seda y La Arana
Un Ver à Soie et l’Araignée
Un Ver à soie, à son cocon,
Lentement travaillait, alors qu’une Araignée,
Avec précipitation,
Composant sa trame embrouillée,
L’apostropha sur le faux ton
D’une ironique joie,
Produit de sa présomption :
— Voyez, Monsieur le Ver à soie ;
Voyez ma toile, elle fut commencée
De ce matin ; mais à midi,
Tout le travail doit en être fini.
Avec quel art elle est exécutée !
Admirez sa finesse ; … elle est du meilleur teint ;
— Ah ! vous avez raison, Madame l’Araignée.
Voilà tout ce qu’elle en obtint.
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