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Paroles de Pluie






J’ai fait le rêve d’une fenêtre ouverte sur une large terrasse que l’océan abordait en rugissant joyeusement. La lumière entrait et dilatait l’espace comme un rideau enflé par le vent, et je voyais en m’approchant de la fenêtre le bleu du ciel qui se noyait dans le flot dansant et soyeux, un peu comme si j’avais soulevé et secoué les draps du lit par-dessus la balustrade.

Les draps s’étaient transformés en un ruban d’azur, flottant vaguement, loin devant la terrasse ensoleillée. Une frange d’écume ourlait les draps comme une déchirure de dentelle allant s’élargissant sur le roulement du large qui infiniment se répétait. Dans un irrésistible jeu, néréïdes, naïades, ondines et sirènes battaient l’onde enchantée.

Nérée fut engendré par le Flot Pontos et la Terre Gaïa. On l’appelait le Vieillard de la Mer et il semblerait qu’il soit le plus ancien dieu de l’élément marin.

Il était bienveillant aux navigateurs. Il épousa une océanide dont il eut 50 filles, les néréïdes.

Selon Hésiode, les océanides symbolisaient les vagues.

Electra était une océanide qui fut l’épouse de Thaumas avec lequel elle conçut Iris, la messagère des dieux. Ainsi de la mer s’éleva un arc-en-ciel pour relier le firmament à la terre.

Qui étaient les sirènes ? Le chant des baleines poétisé par la mythologie ?

Les sirènes étaient 3 sœurs musiciennes qui jouaient de la flûte, de la lyre et chantaient ; elles étaient filles d’Achéloos et de Terpsichore ou Melpomène ou Phorcys.

Jadis, il valait mieux ne pas écouter le chant de ces belles lolitas écaillées qui passaient pour de redoutables démones capables de séduire et de faire naufrager des navigateurs, de solides gaillards pourtant et fort peu enclins à la romance.

Les filles de Neptune échouèrent une première fois avec Orphée qui sut de son talent suave couvrir par sa lyre les accents les plus mélodieux des demoiselles. Il sauva ainsi la vie à Jason et à tout l’équipage des Argonautes.

La deuxième et fatale défaite des sirènes est l’un des plus célèbres épisodes de l’Odyssée.

Cette fois, elles rêvaient d’engloutir le valeureux Ulysse. Mais, « heureux qui comme Ulysse » eut l’idée géniale de faire mettre de la cire dans les oreilles de ses compagnons et de se laisser arrimer solidement lui-même au mât du navire pour ne pas succomber au dangereux appel des flots.

L’étymologie grecque de sirène signifie « attacher avec une corde ». On dit que leur chant enchaînait les infortunés marins. Ceci n’est pas sans allusion à la stratégie d’Ulysse pour leur échapper.

Ayant échoué à faire périr les mortels, elles se ruèrent de désespoir au fond de la mer et furent transformées en rochers.

Un corps d’écailles, des pattes griffues et le tout surmonté d’un visage féminin de bon aloi. Au départ, elles avaient des ailes car, selon Ovide dans les métamorphoses, elles souhaitaient ainsi pouvoir plus aisément rechercher sur la terre la fille de Déméter, Perséphone, enlevée par Hadès, le roi des enfers.

La plus célèbre avant celle de Copenhague, s’appelait Parthénopé, qui se serait échouée sur les bords de l’Adriatique, près de Capri, donnant ainsi naissance à Naples.



La petite sirène, nous la retrouvons beaucoup plus tard chez H.C. Andersen (XIXe Siècle), dépouillée de ses attributs de griffon inquiétant.

Celle-ci pour l’amour d’un prince, accepta de troquer sa queue de poisson pour deux belles gambettes. Elle semble symboliser le tribut à payer, par la condition humaine, pour transformer l’animalité primitive (la materia prima), et accéder ainsi à la verticalité.

S’extraire de la profondeur de l’Inconscient pour avoir la pleine existence et la pleine connaissance.

La sirène est d’abord un symbole alchimique qui évoque l’union du soufre naissant -le poisson- avec le mercure commun -la Vierge- le travail du Grand Œuvre.


Mélusine, selon Paracelse, était une nymphe qui fut entraînée par Belzébuth à s’adonner à la sorcellerie. Elle est descendante de la baleine dans le ventre de laquelle Jonas se perdit. Le lieu d’origine de Mélusine est le ventre des mystères dons l’inconscient. Mélusine est le propre nom de l’Aquaster : l’astre aquatique qui renvoie à l’argent de la lune et à ce Mercure androgyne, à la fois aérien et aquatique, solaire et lunaire qui est le principe de la Mère Originelle.

Dans la légende médiévale, cette dame (fée), attachée aux Lusignan, une des grandes familles de la France d’où sont issus les rois de Jérusalem et de Chypre, possédait une queue de serpent, ou de poisson.

Découvrant son secret par surprise, alors qu’elle se trouvait dans son bain, son mari la perdit aussitôt.

On la compare à Lilith « celle qui dit non ». Celle qui transgresse la Loi Divine pour vivre le désir absolu et qui, ne pouvant l’assouvir, s’enferme dans la solitude glacée de son refus… « mourant de soif au bord de la fontaine. »



Laissons là nos légendes et nos lorelei. Glissons dans le balancement des vagues sous le poudroiement d’or du grand jour…

Le déferlement empli la chambre et la terrasse d’où semble monter, non pas le chant des sirènes, mais la mélopée vibrante de lointains rivages…

L’Orient glisse son aile à la surface de l’eau comme un grand oiseau qui s’envole.

Les parfums sont d’algues et d’encens, l’air se déploie en volutes scintillantes et l’horizon n’a pas de fin. Le ciel s’est renversé dans la mer. Ses yeux parlent une langue inconnue qui nous enivre d’un opium suave…

Les navires s’éloignent du quai dans une brume qui mugit longuement. La mer est promesse de voyage. L’eau est une évasion permanente.


C’est sur les rives des fleuves que naquirent, vers l’an 3000 avant Jésus-Christ, les grandes civilisations. Dans la Chine ancienne, à l’arrivée du printemps, des jeunes hommes traversaient les fleuves (Hoang-ho, Mékong…) pour accompagner le passage du vieux yin au jeune yang.

La mer et l’au-delà. La traversée est longue parfois, pour traverser les îles vertes, les îles de l’Ouest, les îles de l’autre monde.

La mort ne fut-elle pas le premier navigateur ? Nombreux sont ceux que l’on abandonna au fil de l’eau, à commencer par Moïse.

Voyez-vous le monde des vivants et de l’Au-delà sont séparés par un fleuve

Les âmes ont toujours ainsi transité d’une rive à l’autre, depuis l’Égypte ancienne jusqu’à nos jours.

Après avoir payé leur obole, elles empruntaient la barque de Charon, traversant les cercles infernaux, comme le fit Dante dans un célèbre tableau d’Eugène Delacroix.

L’enfer possède plusieurs fleuves qui sont : l’Achéron (douleurs), le Phlégéton et ses brûlures, le Cocyte (lamentations), le Styx rempli d’horreurs et le Léthé, empire de l’Oubli.


Dans le Judaïsme, le Paradis était ordonné selon les 4 points cardinaux correspondant chacun à un fleuve : l’Indus, le Gange, le Tigre et l’Euphrate.




« L’Esprit planait à la surface des eaux… » Et la magie a commencé avec une goutte, une seule goutte d’eau. Peut-être était-ce une goutte de rosée tombée des rayons de lune ou, dit-on, une larme de la déesse de l’Aurore, Eos.

Silencieuse tout d’abord, puis, peu à peu le cristal est apparu plus sec, plus mélodieux.

L’eau claqua à la surface des choses, puis elle émit des bruissements d’étoffe avant de s’abattre avec force et fracas. Elle enfla, gronda, siffla, dansa les claquettes, rugit, rua comme un cheval sauvage. De force vitale elle devint une source de mort, de destruction. Engloutit des continents, prit dans le déluge les accents de la colère de Dieu. Puis, dans un providentiel reflux, laissa de nouveau la vie reprendre ses droits.

Iris étendit son écharpe multicolore, et la terre s’éveilla.


L’eau naquit du silence et la mer du chaos primordial. Elle y couvre les abîmes où se cachent les monstres.


Des sources jaillirent, puis des fontaines pour se purifier.

Après le célèbre baptême du Christ dans les eaux du Jourdain, on se baptisa de l’«acqua benedicta» dans les bassins de lustration. Les ablutions devinrent rituelles, que ce soit en Égypte pour honorer la déesse Isis, où en Crète, où à Eleusis avant la cérémonie des Mystères, où encore dans l’Islam, sans oublier son rôle dans la culture Celte.

En Indonésie, parmi les Parsis, les danseurs qui entrent en transe sont aspergés d’eau bénite afin d’être ramenés à la réalité.

Parmi les fontaines célèbres, citons celles de Castalie à Delphes où venait vaticiner la Pythie, celle de Barenton, dans la forêt de Brocéliande, rendez-vous de Merlin et de la fée Viviane.

Nous pourrions peut-être voir à travers l’eau d’une fontaine le visage de Méduse que brandit bien haut notre prince charmant à l’exemple de Persée, ce héros de la mythologie qui délivra Andromède.


Écoutez l’eau s’égrener au bord d’un bassin, dans l’opalescence d’un après-midi finissant, lorsque les enfants se sont éloignés, ont quitté leurs jeux, que l’espace à nouveau n’appartient plus qu’aux oiseaux et à la fraîcheur du soir qui descend avec des arabesques de bayadère se déployant dans la grâce nonchalante d’un cygne solitaire…


O divine image d’un miroir étale où le ciel se reflète, pris entre les mosaïques fleuries du jardin.

L’onde est grave et solennelle car le temps s’y absorbe pensivement.



Un psaume parlant du roi Salomon dit: "Qu'il descende comme l'averse sur les regains, comme la pluie qui détrempe la terre."


Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179) compare la pluie à la force vitale de l'âme dont dépend l'épanouissement du corps: "C'est grâce à elle qu'il ne se dessèche pas, tout comme, grâce à la pluie, la terre échappe à la sècheresse."

Elle compare aussi les larmes à la pluie: "L'homme qui, par crainte de son Seigneur, fond en larmes, ressemble aux nuages qui déversent leurs eaux en pluie."



Dans le soir, la voix des abysses se fait profonde et menaçante sous le clapotis des vagues. Le ressac évoque l'horizon perdu des marins sous la lueur suppliante d'un phare au large de la Baie des Trépassés.

Des ombres au bout de la jetée agitent en vain leurs bras en direction d'improbables retours.

La mer s'ouvre au destin chaviré des pêcheurs, des aventuriers, des pirates. Mais l'obscurité de son sein ne possède pas uniquement des parures de corail et de perles.


Les grands navires parcourent des villes englouties. Nous portons tous en nous une Atlantide, un paradis perdu dont résonnent les cloches, comme un funeste appel du fond de nos immémoriales contrées.

Parfois, c'est une voix légère qui, de son cristal, apporte la mélancolie.

L'appel du large et le silence de l'eau qui toujours demeure un chant.




La fenêtre, je ne l'ai pas refermée. Le crépitement du rivage s'est emparé de mon souffle qui écoute, qui se tait, qui attend, fiévreux dans sa contemplation.


Que dire de l'attente?

L'attente de ceux qui se bornent juste à regarder le large, et l'attente de ceux-là que la mer enlève et ne rend peut-être pas au port...




 
 
 

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